Date de publication :
lundi 1er avril 2019
Quelle vision pour les cégeps ?
Des professeures et professeurs du Cégep de Sherbrooke ont pris l'initiative de faire circuler la lettre d'opinion qui suit afin de dénoncer la situation actuelle dans le réseau des cégeps et le manque de vision des directions face à des enjeux importants pour l'avenir. Ils invitent leurs collègues de tous les cégeps ainsi que la population en général à co-signer cette lettre qui sera par la suite envoyée pour une diffusion plus large dans les médias.
Alors que le gouvernement du Québec profite de surplus budgétaires historiques (5,1 milliards en incluant les versements au fonds des générations), on ne connaît pas encore les détails des réinvestissements dans le réseau collégial, un réseau au coeur de la démocratisation de l’éducation depuis sa création en 1968. Rappelons que dans bien des régions, les cégeps sont la première ou la seule porte d’entrée vers l’enseignement supérieur. Sans eux, de nombreuses étudiantes et de nombreux étudiants n’auraient tout simplement pas accès à cette spécificité québécoise qui allie une formation préuniversitaire et technique de qualité à une solide culture générale.
Plus inquiétant, de nombreux cégeps vivent encore des périodes difficiles et des coupures brutales en raison d’une formule de financement inéquitable qui place les cégeps en compétition. Cela a pour résultat de créer un clivage entre les cégeps « riches » et les cégeps « pauvres » qui s’ajoute au clivage bien connu entre les cégeps des régions et ceux des grandes agglomérations comme Montréal et Québec.
En dépit de l’annonce d’un réinvestissement de 5% en éducation, plusieurs administrations de collèges coupent actuellement dans les ressources liées à la vie des programmes, à la gestion des départements ainsi qu’aux services aux étudiants : trois éléments fondamentaux de la vie pédagogique. Cela amplifie les coupures des dernières années, de sorte qu’il est difficile de remplir adéquatement la mission et le rôle des cégeps, encore moins de favoriser leur développement. Pris entre les demandes de réinvestissement du secteur primaire et secondaire et les immenses besoins des universités, le réseau collégial est actuellement le grand négligé du secteur de l’éducation et tout porte à croire que la situation n’est pas sur le point de changer.
Où sont nos directions ?
Dans cette bataille politique pour le réinvestissement en éducation, plusieurs professeurs du réseau collégial se questionnent actuellement sur le rôle des administrations locales (les directions générales) et de la Fédération des cégeps : sont-elles aptes à défendre adéquatement le réseau collégial face aux puissantes forces en présence ? On sent les directions des cégeps dans l’incapacité de défendre adéquatement le réseau et on ne voit pas non plus la volonté d’exercer des pressions efficaces afin de changer le rapport de force face au gouvernement. Quelle stratégie adopter pour renverser la situation ? Jusqu’où doit-on accepter « l’inacceptable » ? Pourquoi les directions restent-elles divisées et dans une logique de compétition ? S’il est bien sûr difficile de répondre précisément à toutes ces questions, on constate bien qu’il leur est impossible de sortir des chemins trop souvent empruntés. Cela démontre bien qu’il y a, à tout le moins, un manque évident de vision à long terme. Trop centrées sur une logique purement administrative et comptable, les directions du réseau collégial oublient l’essentiel : innover et éduquer afin de défendre et promouvoir la spécificité des cégeps. La question se pose donc : les directions croient-elles vraiment en ce réseau ou sont-elles là simplement pour administrer les affaires courantes et acquiescer aux demandes de Québec ?
Des questions pour le gouvernement
Le gouvernement de la CAQ doit aussi être interpellé sur la situation actuelle. Certes, le député Youri Chassin a été mandaté pour entreprendre une tournée des collèges afin de réfléchir à la formule actuelle de financement, le dernier budget annonçant aussi près de 100 millions pour le réseau. Mais à l’heure du « public management », tout laisse présager des réinvestissements à la pièce sans véritable vision. On peut même se questionner sur les intentions de la CAQ face à un réseau qu’elle sait fragilisé par les années libérales. Si on peut penser que la CAQ n’osera pas réclamer l’abolition du réseau collégial, elle pourrait très bien le négliger au point de le laisser s’alanguir. Est-ce vraiment ce que l’on veut ? Est-ce vraiment rentable pour le Québec, le meilleur choix pour les étudiants ? Chose certaine, les réponses du gouvernement se font hélas toujours attendre…
Des pistes de solutions
Dans le contexte actuel des réinvestissements, la prudence élémentaire devrait guider le gouvernement et les directions. Québec doit revoir au plus vite la formule de financement, mettre fin au sous-financement structurel du réseau et agir pour contrer la compétition entre les cégeps. En attendant ce plan d’action, les coupures que vivent certains cégeps doivent cesser. Sachant que la société québécoise a manifesté à maintes reprises et clairement la volonté de conserver et soutenir les cégeps, le gouvernement de la CAQ doit gouverner en conséquence.
Appuyez la lettre en la signant
Qui a signé ? Liste des signataires
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Poste téléphonique #5330 specsCSN@CegepSherbrooke.qc.ca |