Dossier spécial 50e anniversaire

 Portrait de famille des enseignantes et enseignants

Aux premiers jours de l’an 2000, le SPECS publiait un dossier « profil enseignant au Collège de Sherbrooke » préparé par Élise Tétreault, alors responsable de l’information pour le SPECS, utilisant pour cela les données de l’automne 1999 (Quand les profs du 24 février 2000). Cinq ans plus tard, Clermont Olivier, secrétaire du SPECS, répétait l’exercice (Quand les profs du 20 mai 2005) en analysant les transformations qu’avait vécues le Cégep dans cette période d’« important renouvellement du personnel ».

Les célébrations entourant le 50e anniversaire du SPECS rendent la mise à jour de ce portrait de famille pertinente et nécessaire, car au-delà de l’intérêt de « se connaître soi-même » nous permettant de constater l’effet du temps et des politiques sur la composition du corps professoral, ce portrait permet de mettre en lumière des faits qui demeurent imperceptibles à partir de la seule expérience de l’individu. Ce sera, pour le syndicat, mais aussi pour les départements et les programmes, un outil important d’auto-analyse qui pourrait nous permettre de mieux comprendre les dynamiques présentes dans le renouvellement du personnel enseignant. À l’aube des prochaines négociations, ces informations pourront nous aider à identifier certains enjeux, mais aussi servir de point de départ pour les documenter.

Précisions méthodologiques

Les tableaux et graphiques présentés dans ce dossier ont été produits à partir de la base de données syndicale. Celle-ci a été mise à jour en octobre 2018 grâce à la liste d’information que le Cégep doit fournir au syndicat de façon bisannuelle, selon l’article 4-2.02 de la convention, ainsi que grâce à l'inscription d'autres événements ponctuels signalés au Syndicat par l'employeur (retraite, démission, obtention de la permanence). Les deux derniers portraits des enseignant.es (2000 et 2005) ont été produits à l'aide de sources similaires. La liste comprend normalement toutes les enseignantes et tous les enseignants ayant un lien d’emploi avec l’institution, ce qui excède nécessairement le nombre d’enseignant.es travaillant cette session-ci. Ainsi, les enseignant.es précaires sans tâche, les enseignant.es en congé ou celles et ceux libérés pour des tâches non-enseignantes s’y retrouvent. Sont retiré.es de la liste les retraité.es, les enseignant.es démissionnaires et ceux et celles qui occupent maintenant des fonctions de cadre. Même s’il est possible que des erreurs s’y retrouvent, le grand nombre de données nous permet de relativiser l’incidence de celles-ci sur les résultats de l’analyse.

Nous remercions particulièrement Luc Loignon pour son travail méthodique et appliqué dans la gestion de la base de données et pour son aide pour le présent dossier.

Mathieu Poulin-Lamarre, secrétaire
Novembre 2018


1. Une famille qui s’agrandit, et qui se transforme quant au statut

Statut d'emploi vs sexe 1999
Graphique 1.1

Emploi-sexe-tableau-1999

Emploi-sexe-2005
Graphique 1.2

emploi-sexe-2005_tableau

emploi-sexe-2018
Graphique 1.3

emploi-sexe-2018-tableau

En près de 20 ans (1999-2018), le nombre d’enseignant.es au Cégep de Sherbrooke a augmenté de 18 %, passant de 507 à 596. Malgré cette croissance significative du nombre total d’enseignant.es, le nombre de permanent.es a lui diminué, passant de 384 à 368. Les précaires (non-permanent.es) atteignent aujourd’hui 38,3 % du corps professoral, contre 24,3 % en 1999, une hausse de 14 %. Cette précarisation du travail enseignant était déjà observée par Clermont Olivier en 2005, qui notait à l’époque que la précarité touchait encore davantage les femmes, malgré une légère amélioration depuis 1999. Si, en 2005, les femmes étaient majoritaires chez les précaires et minoritaires chez les permanent.es, elles sont aujourd’hui majoritaires partout. Malgré ce rattrapage, il y a encore, chez les hommes, un peu plus de permanents (62,6 % des hommes sont permanents) que chez les femmes (61,0 % des femmes sont permanentes), ce qui constitue un rééquilibre clair depuis 1999 (82,6 % vs. 67,3 %). Malgré tout, dans ce contexte désolant de précarisation, force est de constater que même si les femmes et les hommes sont sur papier de plus en plus égaux dans le défi que représente l’incapacité à se projeter dans le futur, les années de vache maigre et les remplacements de dernière minute associés à la précarité, ces chiffres ne nous donnent que peu d’information sur la réelle expérience de la précarité, qui, dans un contexte de monoparentalité et de charge mentale davantage assumée par les femmes, pourrait relativiser l’apparence d’équité que ces statistiques suggèrent.

Statut et sexe - comparaison
Graphique 1.4


2. La fin d’une profession principalement masculine

Âge-sese-1999Graphique 2.1

Âge et sexe 2005
Graphique 2.2

2005

Âge-sexe-2018 Graphique 2.3

2018

 

En 1999, une époque de l’histoire était en train de se terminer. Parmi les enseignant.es, les 45 ans et plus étaient encore principalement des hommes (64,2%), alors que les 44 ans et moins étaient majoritairement des femmes (54,7%). On se souvient qu’avant les années 80, les femmes étaient encore largement absentes du marché du travail, ce qui correspond à ce que l’on retrouve dans ce graphique. En effet, celles et ceux qui ont eu 25 ans en 1980 ont été les premières et les premiers à être embauché.es au Cégep de façon relativement paritaire. Depuis, ce sont toujours les femmes qui sont majoritaires dans l’embauche, si bien que le Cégep compte aujourd’hui 55% d’enseignantes, un renversement de tendance que n’a pas connu le monde universitaire où ce sont les hommes qui occupent majoritairement les postes de professeur (Article de La Presse | version *.pdf).



Données sur les âges des enseignant.es




En 1999 En 2005 En 2018

Âge moyen des enseignant.es 44,8 44,6 45,9

Âge moyen des hommes 46,2 45,4 46,6

Âge moyen des femmes 42,9 43,5 45,2

Pourcentage des 35 ans et moins 14,6% 12,3% 12,8%

Pourcentage des 50 ans et plus 32,1% 38,7% 37,1%

Pourcentage des 55 ans et plus 12,4% 17,5% 20,8%

Nombre d'enseignant.es 507 542 596

Nombre d’hommes 281 273 270

Nombre de femmes 226 269 326







Tableau 2

3. Des enseignant.es différemment éduqué.es ?

Scolarité comparée
Tableau 3

Les chiffres sont percutants : la proportion d’enseignant.es ayant 19 années et plus de scolarité ou un doctorat passe de 45,8% en 1999 à 27,2% en 2018, une chute de 18,6 points de pourcentage. Cette diminution inquiétante se déroule étrangement en parallèle avec l’augmentation du nombre de doctorants et de doctorantes (4,3% de plus aujourd'hui qu’en 1999). La raison de cette diminution se trouve peut-être dans l’abolition, en 1972, de la 7e année du primaire, qui a donné une année de plus de scolarité à toute une génération qui est aujourd’hui majoritairement partie à la retraite. Mais rassurons-nous, le déclin pourrait n’être qu’apparent puisque la scolarité moyenne n’a à peu près pas bougé (de 17,96 ans à 17,58 ans), malgré la 7e année disparue.

Pour le gouvernement, la perte globale d’une année de scolarité est une véritable aubaine puisque chaque année de scolarité reconnue équivaut à 2 échelons de plus dans l’échelle salariale, ce qui peut représenter entre 3000 et 6000 dollars par année par enseignant.e qui n’a pas atteint son échelon maximal.


4. Des départements jeunes et d'autres moins jeunes

Age moyen


Tableau 4

Depuis 2005, l’ancienneté moyenne du corps professoral est passée de 11,8 à 10,5 années, tandis que l’âge moyen est passé de 44,6 ans à 45,9 ans. À travers ces 13 années, certains départements ont connu un renouvellement majeur, tandis que d’autres ont conservé un âge moyen similaire.

Les départements de Techniques de santé animale, Techniques de physiothérapie, Techniques d’inhalothérapie et Techniques de bioécologie sont ceux qui ont vieilli le plus depuis 2005 (entre 9,1 et 9,8 ans de plus), tandis que le département d’Éducation physique est celui qui a le plus rajeuni, passant de 48,1 à 41,1 ans (7,0 ans de moins). L’ancien département des Sciences sociales (Sociologie, Anthropologie et Science politique) aurait cependant mérité le titre s’il s’était maintenu, les trois disciplines ayant ensemble rajeuni de 9,56 ans, passant de 48,2 à 38,7 ans de moyenne.

Le département de Physique est particulier de par son âge moyen sous la moyenne (43,4 ans) et son ancienneté moyenne supérieure à la moyenne (13,66 ans), un trait qu’il partage avec Biologie (43,6 / 12,3 ans). Il s’agit vraisemblement de disciplines où les enseignant.es sont entré.es en fonction relativement jeunes.

À l’inverse, Techniques policières (50,9 / 7,2 ans) et Gestion et technologie d’entreprise agricole (47,9 / 6,4 ans) sont des départements où l’entrée en poste s’est faite plus tardivement.


5. Des retraites de plus en plus tardives

Même si la moyenne d’âge reste sensiblement la même à travers les époques, le graphique 2.3 nous a permis de constater l’importance dans le corps professoral de 2018 du groupe des 35-44 ans, qui participe au fait qu’environ la moitié des enseignant.es sont aujourd’hui âgé.es de moins de 45 ans. Autre fait notable, les enseignant.es de 60 ans et plus sont significativement plus nombreux aujourd’hui qu’ils ne l’ont été par le passé : 39 en 2018, contre 16 en 2005 et 9 en 1999, un passage de 1,8% à 6,5% dans les 20 dernières années. Cette augmentation pourrait être interprétée de façon positive, si l’on y voit le signe que le métier d’enseignant.e est gage de longévité et d’intérêt renouvelé. Cependant, il est aussi possible que derrière cette statistique se cachent des réalités financières difficiles pour une génération qui a eu un accès au marché du travail plus complexe, étant donné la saturation des postes par les premiers boomers. Cette hypothèse est notamment appuyée par l’ancienneté moyenne du groupe 60 ans et plus, qui n’atteint que 19,16 années. Si l’on soustrait l’ancienneté moyenne de l’âge moyen (tableau de la section 4), les enseignant.es obtiennent globalement 35,4 ans, ce qui est une approximation plus ou moins précise de l’âge d’embauche. En effet, l’ancienneté n’augmente pas au rythme d’un an par année pour les enseignant.es précaires qui ne travaillent pas à temps plein. Pour les 60 ans et plus, ce même calcul donne 43,1 ans (7,7 ans de plus). Cela nous permet de constater que les enseignant.es de 60 ans et plus ont probablement été affecté.es par deux phénomènes qui ne s’excluent pas l’un l’autre : i) une embauche plus tardive et ii) de longues années de précarité.

Parallèlement, l’âge de la retraite tend à augmenter. L’âge moyen de la retraite avoisinait les 58 ans au début des années 2000, tandis qu’il flirte bon an mal an avec les 61 ans depuis 2014. On peut prévoir qu’il continuera à augmenter, notamment en raison du nombre beaucoup plus grand d’enseignant.es de 60 ans et plus et de leur ancienneté relativement peu élevée. En 2005, 23 enseignant.es cumulaient plus de 30 ans d’ancienneté (4,2% du corps professoral). Ils ne sont plus que 10 aujourd’hui (1,7%).

Age moyen retraite
Graphique 5

Retraite
Tableau 5


6. Vers la parité ?

Pourquoi la parité ? « Because it’s 2015 », répondait Justin Trudeau, questionné sur son cabinet comptant autant de femmes que d’hommes. Si la parité est devenue dans les représentations l’une des exigences de la modernité, force est de constater que le dépassement des rôles traditionnels se fait lentement au Cégep de Sherbrooke. Seulement quatre départements ont une parité totale (Techniques de bioécologie, Économique, Géographie et Production industrielle) et sept de plus sont dans la zone paritaire 40%-60%. Les 29 autres ont une tendance marquée vers la féminité ou la masculinité. Aux extrêmes, on retrouve Danse, Techniques d’éducation spécialisée et Soins infirmiers d’un côté; Technologies du génie électrique, Techniques de génie mécanique et Physique de l’autre. Cette polarisation n’est pas surprenante et correspond aux rôles traditionnels féminins et masculins, le soin de l’autre (les techniques du care) ou la grâce (danse) pour les femmes, le travail manuel ou la science des forces naturelles pour les hommes.

N’ayant pas de données comparatives, il est difficile de mesurer les changements survenus au sein des départements depuis 20 ans. Il est néanmoins possible de constater que des changements sont bel et bien en cours. Par exemple, alors qu’en philosophie 79% des enseignant.es sont des hommes, les moins de 40 ans sont divisé.es équitablement 50/50.

Sexe dans les departements
Tableau 6


Profil de l’enseignant.e
au Cégep de Sherbrooke

  • Elle ou il est âgé.e de 45,9 ans, a 17,6 ans de scolarité et compte 10,5 années de service au collège; elle ou il avait donc approximativement 35,3 ans à son entrée au sein du personnel enseignant. Une fois sur 3, elle ou il a un statut de non-permanent.e.
  • L’enseignante est âgée de 45,2 ans, a 17,4 ans de scolarité et compte 10,1 années de service au collège; elle avait donc approximativement 35,1 ans à son entrée au sein du personnel enseignant. Une fois sur 3, elle est non-permanente.
  • L’enseignant est âgé de 46,6 ans, a 17,8 ans de scolarité et compte 10,9 années de service au collège; il avait donc approximativiement 35,5 ans à son entrée au sein du personnel enseignant. Une fois sur 3, il est non-permanent.
  • Chaque tranche de 20 personnes comprend 11 femmes et 9 hommes.