Date de publication
mardi 12 avril 2016
Semaine de la diversité sexuelle
Le comité LGBT et allié.es vous invite à participer aux activités organisées dans le cadre de la Semaine de la diversité sexuelle organisée par le CIOSAL (Comité identités et orientation sexuelles et amoureuses libres) au Cégep de Sherbrooke :
La Semaine de la diversité sexuelle constitue une excellente occasion de souligner la participation de Dominique Dubuc, conseillère au SPECS-CSN, au Festival Cinémas du monde de Sherbrooke, alors qu’elle était l’une des invitées au panel Ciné-débat intitulé « Regards croisés sur un féminisme pluriel ». Voici donc l’allocution qu’elle a eu le privilège d’adresser à l’auditoire, livrant ses réflexions personnelles à la croisée de son militantisme féministe et LGBTI.
La solidarité et l’inclusion : deux valeurs féministes absolument fondamentales
par Dominique Dubuc
Je suis profondément féministe. Je ne comprends pas qu’on puisse ne pas l’être. Car qu’est-ce que le féminisme ? C’est tout simplement de croire que les hommes et les femmes sont intrinsèquement égaux et d’aspirer à ce que la réalité devienne conforme à ce postulat. Pour y arriver, il faut des luttes et ces luttes requièrent des militantismes féministes qui s’avèrent multiples.
Pourtant, très rapidement, on se rend compte que les droits des femmes (ou l’absence de droits) participent d’un système d’oppressions qu’il faut arrêter de voir en silos, car d’une part les intersections d’oppression sont une richesse d’occasions de solidarité, et d’autre part, on constate que les racines de ces diverses oppressions sont communes. Le patriarcat, le capitalisme sauvage, le colonialisme, etc. en sont autant de causes tentaculaires. En conséquence, au postulat de base du féminisme doivent s’adjoindre des valeurs fondamentales qui vont orienter les différents courants militants. Et ces valeurs doivent incarner la lutte contre les causes communes et fondamentales des oppressions. C’est pourquoi j’affirme que l’inclusion et la solidarité doivent être des valeurs fondamentales de tout mouvement féministe qui se respecte. Et tous nos combats, toutes nos stratégies, toutes nos orientations philosophiques doivent pouvoir se mesurer à l’aune de ces valeurs.
Ceci étant dit, nous pourrions partir dans plusieurs directions pour illustrer comment ces valeurs devraient percoler dans nos mouvements féministes : parler du militantisme féministe de la femme blanche occidentale et ses errances, ouvrir sur le combat des femmes autochtones contre les multiples oppressions qui les ciblent et les lacunes de nos combats féministes à leur égard, débattre des enjeux de classes sociales, de religion ou encore du travail du sexe, etc. Je choisirai plutôt ce que je connais bien, c’est-à-dire les combats des personnes des minorités sexuelles. Par minorités sexuelles, j’entends les personnes lesbiennes, gais, bisexuelles, trans et intersexes. Cependant, je me concentrerai plus spécifiquement sur les défis rencontrés par les femmes trans.
Ce qui m’amène à poser la question : mais qu’est-ce qu’une femme ? Par le passé, une femme sans enfant pouvait être considérée comme un ersatz de femme. Les lesbiennes ont aussi été longtemps considérées comme des approximations de femmes parfois même dans les milieux féministes.
Les féministes doivent maintenant faire une réflexion en accéléré au sujet des femmes trans. Pourquoi en accéléré ? Les femmes trans viennent-elles d’apparaître dans nos sociétés ? Non, évidemment. Mais elles font trop souvent partie d’un angle mort de nos réflexions féministes récentes. De plus, les avancées légales que les femmes trans ont accomplies (bien qu’encore insuffisantes) viennent bousculer les conceptions féministes de lieux dits de non-mixité. C’est à peine un reproche que je fais. C’est tellement plus facile de se concentrer sur le combat « mainstream » de la femme hétérosexuelle, cisgenre, blanche, de la classe moyenne. Je ne suis même pas ironique. Nous sommes militantes, souvent bénévoles, pleines de bonne foi et engagées dans de multiples combats, car mêmes nous, femmes « privilégiées », sommes victimes d’oppressions genrées. Dans ce contexte, les « oublis » sont possibles, voire compréhensibles. Mais jusqu’à une certaine limite. Cette limite est elle-même mise en lumière quand on se réfère à nos valeurs fondamentales de solidarité et d’inclusion.
Mais avant d’aller plus loin, je me permets de faire un petit survol du vocabulaire de base. Statistiquement, la plupart des personnes se considèrent cisgenres, c’est-à-dire qu’elles sont confortables avec la mention de sexe que le médecin a coché à leur naissance. Tandis que d’autres ne sont pas confortables avec ce sexe qui leur a été assigné et ce sont donc des personnes trans (utilisé ici comme un terme parapluie). Comme il importe de respecter l’auto-identification affirmée par la personne, une femme trans est donc une femme pour qui le médecin avait coché M, pour sexe masculin, à sa naissance. Mais ultimement, une femme trans, c’est tout simplement une femme.
Il est très important de préciser aussi que l’identité de genre se déploie en fait sur un continuum entre ce que la société considère être le féminin et ce que la société considère être le masculin. Faute de temps, je le répète, je ne parlerai cependant que des femmes trans aujourd’hui.
Il faut d’abord détruire le mythe selon lequel le parcours d’une femme trans passe nécessairement par une série de traitements médicaux permettant la transition de l’état « homme » à l’état « femme ». Ce peut être le cas. Mais pour plusieurs personnes, c’est plutôt un constat : « Je suis une femme ». Ceci implique que cette personne ne DEVIENT pas une femme, elle EST une femme; c’est une importante nuance. À partir de ce constat, de cette auto-identification, c’est à la personne de décider si elle aspire ou non à une démarche médicale.
Il importe de remarquer que par le passé, la transition médicale était un passage obligé pour pouvoir faire changer la mention de sexe sur ses papiers d’identité. Ce n’est plus le cas dans plusieurs législations à travers le monde, dont le Québec, mais seulement depuis le 1er octobre 2015. Soyons clairs, depuis cette date, il est donc parfaitement possible qu’une femme ait un pénis. Cependant, cet aspect de la génitalité est du domaine privé et ne concerne que la personne en question. Il faut aussi souligner que le rapporteur spécial de l’ONU a qualifié de torture l’obligation d’interventions médicales pour avoir accès à un changement de mention de sexe, d’autant plus que ces traitements impliquaient nécessairement la stérilisation.
Mais concrètement, maintenant, voici quelques statistiques. Les chiffres varient légèrement d’une étude à l’autre, mais globalement, 70 % des personnes trans ont eu des idéations suicidaires et 40 % ont fait des tentatives de suicide. Un jeune trans sur quatre a fait une fugue. 70 % des jeunes trans ont subi du harcèlement sexuel. Les deux tiers des jeunes trans rapportent s’être automutilés. Les jeunes trans sont démesurément présents parmi les personnes itinérantes. Plusieurs jeunes trans sortent du secondaire avec un syndrome post-traumatique… Les femmes trans à travers le monde, particulièrement les femmes trans racisées, sont actuellement victimes d’une terrible épidémie de meurtres.
Les problèmes systémiques rencontrés par les personnes trans sont multiples, et ce, dans toutes les sphères de leur vie, que ce soit sur le plan de l’accès aux services de santé et de services sociaux, du logement, de l’école, des milieux de travail, du simple fait de prendre un avion, etc. La liste est longue. Il s’agit donc d’une population hautement vulnérable dont l’existence est trop souvent occultée. Soyons clairs, leur vulnérabilité ne vient pas du fait de leur identité sexuelle, évidemment, mais du fait de la transphobie et de la transmisogynie ambiante. Nos valeurs fondamentales féministes de solidarité et d’inclusion devraient dès lors nous claironner des alarmes.
Je constate cependant des résistances face à l’inclusion et à la reconnaissance des femmes trans. Dans les milieux féministes, il y a même un courant de pensée qui s’appelle le « Trans Exclusive Radical Feminism ». Mais au-delà de ces idéologues radicales féministes essentialistes, ces résistances, qui ne sont pas seulement féministes, posent des problèmes graves et concrets que j’illustrerai par l’exemple suivant, tiré d’une vraie conversation que j’ai eue ces derniers jours avec de vraies personnes, intelligentes, que j’estime et que je respecte :
Bref, l’ouverture des milieux non-mixtes féminins aux femmes trans est non seulement une obligation légale, mais elle s’articule naturellement avec les valeurs fondamentales féministes. De plus, cette ouverture nous entraine dans une réflexion plus approfondie sur les stéréotypes de genre et sur leurs impacts négatifs sur tous et toutes. Dans notre marche vers l’égalité, les femmes trans ne sont pas nos alliées, elles sont des femmes à part entière qui amènent un éclairage nouveau, riche et précieux sur nos multiples intersections de combat.
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